Ojos De Brujo ‘ Barí

Les membres de Ojos De Brujo se sont rencontrés lors de concerts dans Barcelone pendant l’année 1996. Ainsi, le premier album du groupe, Vengue, sortira en 1999, se vendant à plus de quarante mille exemplaires, notamment grâce à une tournée en Espagne, mais aussi dans d’autres pays comme la Belgique ou la France.
En 2002 sort Barí, l’album qui consacrera Ojos De Brujo, aussi bien en Espagne qu’ailleurs dans le monde.
Je me souviens d’un soir, fin 2002 ou début 2003, devant la télé, il devait être minuit ou une heure déjà, et sur la TVE2 (j’habitais alors à Valence) passait une émission musicale, et un groupe interprétait un morceau en direct : je découvris alors le titre « Zambra » qui me mit sur les fesses !
La musique est appelée nuevo flamenco : ceux qui connaissent le flamenco ne seront pas du tout surpris par l’ambiance générale, mais plutôt par les (nombreux) détails sonores propre à cette nouvelle vision du flamenco, tel le scratching, le sample ou d’autres éléments propres aux musiques actuelles c’est-à-dire urbaines, telles le hip-hop ou l’electronica.
Barí s’ouvre sur une courte intro musicale qui s’enchaîne à « Tiempo de soleá », qui de suite impose les guitares et la batterie comme instruments centraux de la musique d’Ojos De Brujo. Guitares flame, flamenco ou basse ; batterie, percussion et cajón ; et le chant bien sûr, celui de Marina « la Canillas » ! Ses paroles auraient été écrites dans le métro de Barcelone, et ce morceau est dédié aux enfants de la rue.
Ensuite, l’un de mes morceaux préférés, « Ventilaor R-80 » possède absolument tous les éléments propres au groupe, à savoir la vitalité et la mélancolie pêle-mêle, pour un résultat grandiose.
Ensuite, « Naita » commence par des paroles populaires dans le flamenco : « La sangre se me revela cuando me pongo a pensar ke akí unos tienen de tó y otros no tienen de ná leile, ay lereleile ». Une chanson dans laquelle ils réclament la vida gratis.
« Quien engaña no gana » continue avec un thème moralisateur, puisque Ojos De Brujo scande tout un mode de vie dans sa musique. La force du flamenco est présente dans tout ce que fait le groupe, et « Zambra » en est un peu l’apogée, musicalement parlant cette fois-ci, car les paroles de la Canillas ne s’apaisent jamais. Près de sept minutes où les tensions sont omniprésentes même si toujours maîtrisées car exprimées avec justesse.
« Ley de gravedad » est un titre plus calme, qui repose l’ambiance avant le magnifique «  Memorias perdías », sans hésitation mon titre préféré du répertoire d’Ojos De Brujo. Comme le dit une note sur le livret : « La memoria es nuestra historia verdadera », ce qui explique l’importance de la vie dans la musique flamenco, que ce soit le présent ou le passé. Ici, c’est la musique qui est au centre de l’expression des sentiments, Marina se laisse envahir par la musique. Comme nous le faisons.
« Tanguillo de María » et « Bulería del ay ! » sont des morceaux assez représentatifs du nuevo flamenco, et, finalement, « Calé barí » est dédié à tous les gitans qui dissémine l’art dans la musique et la vie. Un petit bémol, à mon avis, est que la fin du disque est, tout en restant intéressante, plus faible que la première partie qui s’arrête à un sommet (« Memorias perdías »).
Heureusement, Ojos De Brujo est un groupe qui accorde beaucoup d’importance aux performances live et ajoute deux morceaux bonus après l’album : « Acción reacción repercusión » laisse la place aux percussions, donc aux percussionnistes qui s’en donnent à cœur joie, comme cela se fait lors d’une représentation de flamenco. Après avoir eu l’impression pendant tout Barí d’écouter le groupe en direct, on se plaît maintenant à imaginer un danseur ou une danseuse se déchainer sous nos yeux. Enfin, « Rememorix » – je vous laisse deviner de quel titre il est le remix – continue à jongler entre audio et visuel, et cette fois-ci, c’est le DJ qui se lâche.
J’ajouterai pour conclure que Barí s’accompagne d’illustrations qui apportent à l’expressivité des morceaux, avec l’Andalousie au cœur de tout, l’Espagne ou les pays du Maghreb forcément, les gitans, les croyances en la sorcellerie, etc. Je laisserai les derniers mots à ce groupe espagnol que je suis depuis cet album, et que j’ai notamment vu lors d’un concert gratuit en plein air à Barcelone en août 2004.
« Subamos montañas, recojemos piedras de colores, cambiemos el color de las horas, conservemos la memoria de nuestros muertos, miremos a los ojos de nuestro destino ».

(in heepro.wordpress.com, le 10/01/2011)

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